jeudi 13 mai 2010

Rêve éveillé


Ce texte a été écrit dans un salon de thé à Olomouc. Inspiré par l'ambiance et l'inconnu qui m'attendait à mon retour. Je me permets d'écrire ici cette petite divagation de voyage.


***


Il faisait froid et humide. Une température pour rester emmitouflée au coin du feu, un livre à la main, une tasse de thé épicé dans l’autre. Le thé, c’est justement ce qui m’a attirée dans cet endroit. Pour y entrer, il fallait passer une petite porte dodue en bois vernis au bout d’un long couloir sombre et étroit. Le vent continuait de me pousser dans le dos, se butant à la chaleur accueillante de l’endroit. Un charmant salon de thé. Exactement ce dont j’avais besoin.

En entrant, j’ai été assaillie par les odeurs de thé, d’épices, de cannelle et de shisha. La pièce était invitante avec ses murs orangés, ses tapis orientaux et ses plafonds en bambou. Des lumières tamisées, des rideaux de perles et un bouddha méditant complétait le tableau. Je me suis assise à la seule table libre, coincée entre deux bibliothèques gorgées de livres de toutes sortes, écrits dans des langues qui m’étaient étrangères.

Un peu partout, les gens s’étaient rassemblés autour de petites tables, d’autres étaient étendus au milieu de coussins multicolores, tous discutant sans se presser. Une jeune serveuse errait entre les tables comme si rien ne comptait, avec cette assurance tranquille qu’ont les personnes âgées.

Un endroit unique, mystérieux, sur lequel le temps semblait ne pas avoir d’emprise, comme si lui aussi était venu s’y reposer.

Dans cet endroit propice aux chimères, à l’autre bout du monde, je n’aurais pas été surprise de t’y croiser, toi que je connais si peu. Ton image est floue et familière à la fois, amalgame de tous ces inconnus qui ont un jour croisé mon chemin. Je n’arrive pas à te matérialiser et pourtant, je te vois, je te crée, substance malléable que mon esprit prend plaisir à ne pas définir.

Je peux presque voir ton sourire, mille fois imaginé. Pour un peu, je penserais que tu me tends la main. Et j’ai peur, tout à coup. Et si tu étais réel?

Ne pas y penser. Surtout, ne pas y croire.

Parce que vois-tu, dans ce salon de thé, l’espace d’une seconde interminable, tu étais devant moi. Et il m’est resté un fragile espoir que, peut-être, je te plairais.